Le traitement des grévistes de la faim soulève de l’inquiétude dans les organisations de défense des droits

Le 8 mai 2017

Le 17 avril 2017, Journée des Prisonniers Palestiniens, plus de 1.000 prisonniers palestiniens ont lancé une grève de la faim pour protester contre leurs dures conditions d’incarcération et autres violations de leurs droits fondamentaux. Leurs exigences se conforment aux droits de l’Homme et au droit humanitaire international et font écho aux appels lancés lors des précédentes grèves de la faim, dont la grève de la faim massive lancée en 2012. Pourtant, depuis la déclaration de la grève, l’Administration Pénitentiaire Israélienne (IPS) a engagé des actions punitives contre les grévistes de la faim, dont le placement de prisonniers à l’isolement et l’interdiction de rencontrer leurs avocats.

Le 4 mai 2017, à la suite d’une pétition, l’IPS a été obligée par la Cour Suprême israélienne d’accorder la permission aux avocats de rencontrer les grévistes de la faim ; cette décision est actuellement surveillée par des organisations des droits de l’Homme. Ces mesures sont en contradiction directe avec les Observations Finales du Comité Contre la Torture (CAT) de l’ONU en 2016 qui appelaient Israël à « garantir que les personnes privées de liberté qui s’engagent dans une grève de la faim ne soient jamais sujettes à de mauvais traitements ou punies pour s’être engagées dans une grève de la faim » (paragraphe 27).

Les réclamations des grévistes de la faim recouvrent une large série de questions, dont :

* Les visites de famille, y compris le refus par Israël des permis d’entrée pour les membres des familles de Gaza et de Cisjordanie. Les grévistes de la faim exigent l’accroissement de la fréquence et de la durée des visites, le retrait de diverses restrictions, comme par exemple la prise normale de photos.

Bien que les visites soient actuellement autorisées, l’IPS les limite à seulement deux fois 45 minutes par mois. Les membres des familles de Gaza, ainsi que certaines de Cisjordanie, se sont vus refuser les permis d’entrée et n’ont donc pas pu aller voir leurs proches en prison. En plus, le Comité International de la Croix Rouge (ICRC) a récemment réduit le soutien qu’il fournit pour les visites des familles. Résultat, un grand nombre de prisonniers et leurs familles ne peuvent réaliser ces deux petites visites par mois. Le droit pour les prisonniers de maintenir une vie de famille est inscrit à la fois dans le droit international et dans le droit national israélien, et les Conventions de Genève insistent sur l’importance de fréquentes visites.

* Accès aux soins médicaux

La qualité et l’étendue des services de soins de santé à la disposition des prisonniers détenus dans les prisons et les équipements de détention israéliens sont considérablement inférieures à celles accordées à la population générale en Israël. En plus, l’IPS et le ministère de la Sécurité Intérieure administrent le système des soins de santé dans les prisons, et non pas le ministère de la Santé. Des temps d’attente extrêmement longs pour voir des médecins spécialistes sont la norme et on dispose de peu d’examens médicaux périodiques.

Certains traitements tels que la physiothérapie ou des traitements pour hépatite, qui sont supposés être disponibles selon les propres règles de l’IPS, ne sont pas accessibles en pratique à cause des limitations de budget. Les prisonniers classifiés comme prisonniers « de sécurité » sont en plus coincés par leur impossibilité de se plaindre de négligence médicale : ils n’ont pas le droit d’utiliser le téléphone ou d’envoyer des lettres, et beaucoup d’entre eux ne reçoivent pas régulièrement la visite de membres de leur famille ou de leur avocat. Leur isolement les empêche d’informer ceux qui agissent à l’extérieur sur leur condition médicale et sur d’autres violations de leurs droits fondamentaux.

* Mise à l’isolement

La loi israélienne permet que les prisonniers soient détenus à l’isolement, y compris dans des circonstances qui ne sont pas techniquement sous l’appellation de mise à l’isolement, mais qui reproduisent ses conditions. Bien que les Règles Mandela – l’Ensemble des Règles Minima de l’ONU pour le Traitement des Prisonniers – établies en 2015, aient affirmé que la mise à l’isolement pour plus de 15 jours consécutifs viole le droit international, les données partielles qu’Israël a publiées sur le sujet (et qui n’évoquent qu’un mécanisme de mise à l’isolement) indiquent qu’on utilise très habituellement la mise à l’isolement pour des périodes bien plus longues. Selon les données émises par l’IPS en juillet 2015, 63 prisonniers – représentant 54 % de tous les prisonniers détenus à l’isolement à cette époque – avaient été détenus à l’isolement pendant six mois ou plus. Parmi eux, neuf étaient détenus selon un « jugement de séparation » utilisé prétendument pour « protéger la sécurité de l’Etat » et souvent fondé sur des preuves secrètes.

Le CAT a conclu qu’Israël devait garantir « que la mise à l’isolement et [l’isolation] ne soient utilisées que dans des cas exceptionnels et en dernier recours, pour une durée aussi courte que possible et fassent l’objet d’un contrôle indépendant, conformément aux normes internationales » (CAT, Observations Finales de 2016, paragraphe 25).

* Détention administrative

Les derniers chiffres, datant de mars 2017, indiquent qu’Israël retient 688 Palestiniens en détention administrative. Le droit international n’autorise l’utilisation de la détention administrative que dans des cas exceptionnels. Pourtant, ce n’est clairement pas le cas en Israël, où le nombre de détenus administratifs a plus que triplé depuis décembre 2012 où Israël ne détenait que 178 Palestiniens en détention administrative. Le CAT a récemment exhorté Israël à « mettre fin à la pratique de la détention administrative » (CAT, Observations Finales de 2016, paragraphe 23).

Les organisations des droits de l’Homme soussignées soulignent que les réclamations des prisonniers sont justes, raisonnables et fondées sur le droit international et les accords qui régissent le traitement des prisonniers et des détenus. Elles soulignent par ailleurs les dangers associés aux mesures punitives prises par l’IPS contre les grévistes de la faim. Les organisations insistent en plus sur le risque grave et concret, au fur et à mesure de la prolongation des grèves de la faim, qu’il y ait des tentatives pour obliger les prisonniers en grève à subir un traitement médical et que les médecins de l’IPS nourrissent de force les prisonniers contre leur volonté, selon la « Loi d’Alimentation forcée » votée par Israël en juillet 2015 en violation du droit international et de la déontologie médicale.

Les rapports d’un hôpital de campagne installé pour les grévistes de la faim à la prison de Ketziot sont inquiétants, car le traitement dans le système carcéral et hors de tout contrôle public augmente la vraisemblance de violations des droits de l’Homme et de la déontologie médicale. Le récent message envoyé par le ministère de la Santé, exigeant des médecins israéliens qui refusent de pratiquer l’alimentation forcée de trouver des médecins remplaçants qui acceptent de le faire, est lui aussi contraire au droit international et à la déontologie médicale.

Les organisations de droits de l’Homme soussignées demandent par la présente à la communauté internationale d’exhorter Israël à cesser ces violations incessantes et systématiques des droits de l’Homme contre les grévistes de la faim et d’accéder à leurs justes exigences concernant les visites des familles, l’accès aux soins médicaux, la mise à l’isolement, et de mettre fin à l’utilisation de la détention administrative.

– Fin –

Addameer – Association de Soutien des Prisonniers et des Droits de l’Homme

Adalah – Centre Juridique pour la Minorité Arabe d’Israël

Association Arabe pour les Droits de l’Homme

Médecins pour les Droits de l’Homme – Israël

Traduction l J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Addameer

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