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Libération
Edito

Israël, seul  contre tous et contre lui-même

par Alexandra Schwartzbrod, Directrice adjointe de la rédaction
publié le 27 décembre 2016 à 20h07

Le niveau d'hystérie atteint par les dirigeants israéliens, en réaction au vote de la résolution 2334 de l'ONU sur la colonisation de la Cisjordanie, en dit long sur le déni dans lequel l'Etat hébreu s'est enfermé. On ne peut pas dire qu'il a été pris par surprise. Voilà des années que la communauté internationale rappelle aux dirigeants israéliens les termes de la résolution 465 votée le 1er mars 1980 par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Que disait celle-ci, il y a… près de trente-sept ans ? Elle «déplorait vivement» qu'Israël «persiste et s'obstine» dans une politique «qui fait obstacle à l'instauration d'une paix d'ensemble juste et durable au Moyen-Orient» et demandait «au gouvernement et au peuple israéliens de démanteler les colonies de peuplement existantes et de cesser d'urgence d'établir, édifier et planifier des colonies de peuplement dans les territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem.» Israël est resté sourd à cette résolution et à celles qui ont suivi. Pire, les gouvernements, y compris travaillistes, n'ont eu de cesse d'intensifier cette politique. Pour preuve, le nombre de colons juifs est passé d'environ 200 000 au début des années 2000 à… plus de 400 000 aujourd'hui. Et cette expansion n'est pas près de s'arrêter. Ce mercredi, malgré le vote de l'ONU (ou en rétorsion), Benyamin Nétanyahou pourrait annoncer la construction de 618 logements à Jérusalem-Est en plus des quelque 1 000 lancés cette année.

Quant aux critiques haineuses envoyées par Nétanyahou à Obama l'accusant d'avoir trahi un allié, elles ne manquent pas de sel. Pendant huit ans, le président américain n'a cessé de demander au gouvernement israélien de se mettre en conformité avec le droit international. En vain. Nétanyahou a même fait cet affront d'annoncer un jour un programme de construction en territoires occupés alors que le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, était à Jérusalem. «Nous avons tout essayé» pour faire entendre raison à Israël, confie un conseiller d'Obama dans le New York Times. Sans résultats. Pas rancunier, Obama a même octroyé il y a peu une aide de 38 milliards de dollars à Israël sur dix ans. Les critiques de Nétanyahou sont donc malvenues tout comme celles accusant l'administration américaine de profiter de cet entre-deux aux Etats-Unis séparant l'élection d'un président et sa prise de fonction. Le gouvernement israélien en avait profité aussi fin 2008 pour prolonger l'opération «Plomb durci» sur Gaza (lancée pour répondre à des attaques de roquettes palestiniennes) qui s'était interrompue… deux jours avant l'arrivée d'Obama au pouvoir !

Le drame, c'est que la furie du gouvernement Nétanyahou fait surtout un mal fou à Israël. Les propos du ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, comparant la conférence pour la paix au Proche-Orient à «l'affaire Dreyfus» décrédibilisent l'homme et le pays, tout comme ils banalisent la notion même d'antisémitisme. Comme le note Haaretz dans un éditorial, la bouderie de Nétanyahou coupant les ponts avec le reste du monde a tout de l'entreprise d'autodestruction.

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